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A l’initiative de l’un des artisans les plus connus de ce pays, les artisans de Dakar et de sa banlieue s’organisent de façon à se peser pour obtenir la limitation des importations. Même s’ils se disent non intéressés par la politique, ils veulent pouvoir juger les candidats aux élections par rapport à leurs engagements envers la production nationale.

Ils sont un tout petit peu plus de 6000 menuisiers, artisans et apprentis. Ils fabriquent des meubles et tirent leur subsistance du travail du bois. Malheureusement, depuis une dizaine d’années environ, cette corporation se plaint de voir son travail négligé, du fait de l’engouement qui a saisi les Sénégalais, en particulier les pouvoirs publics, envers les meubles importés. Ces artisans locaux ont donc décidé de se faire entendre, et ont entamé un recensement national.

L’initiative est venue de Cheikh Guèye, le patron de la Menuiserie Khadimou Rassoul (Mkr) située à la Sodida. Ses amis et lui demandent que les pouvoirs publics mettent un frein aux importations des meubles. Ces dernières sont estimées être à la base de la mévente des produits locaux. Combien sont les menuisiers qui parviennent à vivre décemment de leur profession ? Cheikh Guèye répond qu’ils ne sont plus nombreux. Partout à travers le pays, le cri est le même : «On ne vend plus» ! Ce n’est pas un lit vendu occasionnellement à un couple qui peut permettre à des artisans ambitieux de s’épanouir dans leur travail comme le recommande le chef de l’Etat. Ce sont des commandes importantes. Or, celles-ci, quand elles existent, sont destinées à des importateurs de meubles, et non pas à ceux qui produisent de la valeur ajoutée.  On se rappelle que lors du remaniement du gouvernement Abdoul Mbaye, le chef de l’Etat avait débloqué 10 millions de francs Cfa pour chacun des nouveaux ministres. Cette somme était destinée à leur permettre de s’équiper. Bien sûr, il n’était, dans l’esprit d’aucun de ces fervents patriotes, pas question de fournir du travail à leurs compatriotes qui suent pour des revenus de misère. Au contraire, il fallait enrichir le travail des Chinois, des Suédois ou d’autres étrangers, en importants leur mobilier.
Même si Cheikh Guèye note pour s’en féliciter, que toutes les autorités politiques ne se comportent pas de cette manière : «Madame Nafy Ngom Keïta, ancien Vérificateur général et actuellement directeur de l’Ofnac, ainsi que M. Abdoulaye Diop ancien ministre des Finances, ont su faire la promotion de nos artisans en faisant ameublir leurs bureaux avec des meubles locaux.»
Mais pour le reste, le mal vient de bien loin.

Une pétition contre les importations
Les menuisiers remontent à l’arrivée de Wade aux affaires, le début de leur déclin. Ils disent qu’avant lui, le Président Senghor, ainsi que son successeur Abdou Diouf, ont plus ou moins tenu compte de la spécificité de la production artisanale nationale. «Le Président Léopold Sédar Senghor a privilégié l’expertise locale. Ainsi, à son époque, le menuisier avait  le réflexe chaque matin, d’acheter un journal pour regarder sur lequel des marchés soumissionner. Pas mal d’ouvrages artisanaux dans des pays comme le Gabon, la Libye, le Koweït, etc. sont faits par des artisans sénégalais. On pourrait même dire que le concept de mobilier national émane du Président Senghor.»
Malgré les ajustements structurels, son successeur Abdou Diouf ne s’est pas trop mal débrouillé. Un menuisier affirme que c’est après qu’il a pu meubler et décorer tout le bureau du Premier ministre avec ses créations, que M. Habib Thiam a pu convaincre le Président Diouf d’interdire les importations. On sait qu’aujourd’hui, elles ont explosé de manière exponentielle.
Les menuisiers, qui ont créé un site web et une page Facebook intitulée menuisiersenegal, notent que le mépris affiché à leur égard par l’ancien chef de l’Etat, a contribué à précipiter sa chute. Le recensement qu’ils ont entrepris depuis un certain temps, en prélude aux Locales, leur montre ce qu’ils pèsent effectivement. Comme le fait remarquer l’initiateur du mouvement, Cheikh Guèye : «Nous ne faisons pas de politique, et ne sommes affiliés à aucun parti. Néanmoins, tous les menuisiers de ce pays, sauront, le moment venu, choisir entre ceux qui soutiennent la production nationale, et les dirigeants qui se tournent pour enrichir les travailleurs de l’étranger.»
Chaque menuisier enregistré sur la pétition contre les importations, a indiqué son nom, son domicile, son numéro de carte d’identification nationale, ainsi que son numéro de téléphone. Cheikh Guèye, en qui tous ces 6000 citoyens de Dakar et de sa banlieue, -en attendant de recenser ceux de l’intérieur du pays- placent leur confiance, dispose là d’un puissant instrument de pression. Pour le moment, leurs revendications semblent on ne peut plus juste, pour un pays aussi pauvre que le Sénégal, à la balance commerciale structurellement déficitaire : «Les menuisiers veulent qu’on leur rende leur dignité. Que tous les menuisiers puissent avoir la possibilité de soumissionner aux marchés de l’Etat et que les commandes soient locales. Que l’Etat revoit le système d’impôt et autres des entreprises de menuiserie en difficultés, comme on l’a fait avec les entreprises de presse. Que l’importation de mobiliers soit arrêtée et que les taxes sur les matières premières soient allégées.  Que le secteur soit coaché par les siens. Et pour finir que la qualité soit exigée.
Nous invitons le chef de l’Etat, comme il est le premier patriote,  qu’il  fasse de telle sorte que le Sénégalais n’oublie jamais  que développement rime avec consommer local et cela dans tous les secteurs.  Si chaque jour, des milliers de nos francs sont destinés aux grandes puissances, chacun d’entre nous devrait se poser la question de savoir : ‘’A quand un lendemain meilleur’’».

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SOURCE:http://www.lequotidien.sn/index.php/la-une2/6948-contre-les-importations-exponentielles-de-meubles--les-menuisiers-sortent-du-bois